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Rémi Quesnel

Mise à jour
13 Sep 2024

Arbre

Arbre
généalogique

Chasseur d'héritiers

Par Rémi Quesnel

9 septembre 2024

À travers ses recherches, le détective privé, sinologue, journaliste et généalogiste s'attelle à déterrer des secrets enfouis et à faire communiquer le passé avec le présent.


Le téléphone sonne. Au bout du fil, la voix d’un inconnu vous informe que vous êtes l’héritier légal d’une succession et que votre interlocuteur vous représentera. Ce n’est pas une arnaque. Cette voix, c’est souvent celle de Rémi Quesnel, généalogiste professionnel. «Les héritiers que nous retrouvons ont l’impression d’avoir gagné à la loterie sans avoir acheté de billet», dit-il.

Rémi Quesnel travaille en tant que «généalogiste successoral» depuis près de deux ans. Il commence chacune de ses journées par un buffet froid singulier: l’analyse des successions vacantes dans toute la Suisse. Employé dans une des trois entreprises spécialisées du pays, it traque des cousines perdues de vue, des oncles éloignés. «Dans 1% des cas, la justice a des difficultés à retrouver des héritiers», relate-t-il. Si ceux-ci ne sort pas retrouvés dans les douze mois, la succession échoit à la commune et au canton de domicile du défunt. Ils sont invités à s'annoncer dans l’année qui suit le décès. Mais le plus souvent, it taut aller les chercher. Alors les sociétés de généalogie, peu connues du grand public, entrent en scène. En accord avec les héritiers retrouvés, elles touchent un pourcentage sur l'héritage.

Passion et transmission Rémi Quesnel retrouve ainsi la trace de deux ou trois héritiers par semaine. Ses enquêtes le mènent à fouiller les archives municipales et à arpenter les cimetières. «Certains responsables de cimetière connaissent tous leurs morts par cœur»,s'amuse le généalogiste. À travers leurs recherches, ces chasseurs de trésor se heurtent aux grandes tragèdies de l'histoire.«On retrouve dans ces parcours familiaux toute I'histoire du XIXe et du XXe siècle, assure-t-il. Il arrive que l’on ne trouve plus personne, lorsque toute une famille a été exterminée au cours de la Shoah. Mais parfois, on réussit à joindre un survivant.» Ce métier est finalement la conclusion d'une passion personnelle, car pour Rémi Quesnel, tout est une affaire de transmission: ses grands-parents, fonctionnaires coloniaux français installés en Indochine lui transmettent le virus de l’Asie, et à l’adolescence it se lance dans l'étude du chinois. Dans son salon, un paravent asiatique hérité de ses grands-parents met en scene des travailleurs agricoles. En 2010, il s'installe à Pékin, qu'il rejoint en train depuis Genève, pour entamer une carrière de correspondant étranger pour différents medias. «Au bout de cinq ans, j'ai compris que je n'arrivais pas à me projeter dans un pays autoritaire», raconte-t-il.

Lorsqu'il rentre de Chine, il travaille dans une agence de presse financière à Genève, puis dans un bureau d'intelligence économique. Pugnace, il s'investit dans l'investigation, découvre une face plus secrète de la Genève internationale, avec en ligne de mire toujours cette volonté de révéler des secrets enfouis par le passé. «On passe de l'autre côté du miroir, on rencontre des princesses, des marquis, des marchands d'armes, des marchands d'art, des oligarques, des politiciens qui viennent déballer leur petit secret, énumère-t-il. Tous estiment pouvoir régler lours problèmes avec de l'argent.» II quitte le bureau, travaille à nouveau dans la presse économique puis trouve cet emploi de généalogiste. « Passeur de plats» entre le passé et Ie présent, Rémi Quesnel s'est évertué à retrouver la trace des siens.

À son retour de Chine, il récupère les travaux légués par son grand-père «Enfant, je lui avais posé des questions et il m'avait construit un petit arbre généalogique», se souvient-il. Des dizaines d'années plus tard, Rémi Quesnel poursuit le travail, fouille les registres des paroisses, les archives départementales. Pour certaines branches, il réussit à remonter jusqu’à une douzaine de générations, parfois plus. « Je savais que la grand-mère de mon grand-père était Vietnamienne. J'ai pu remonter à des ancêtres qui ont vécu à l’île de la Réunion, à des ancêtres esclaves et à d'autres maitres d'esclaves », raconte-t-il. Il se rend en Inde sur les traces d'un ancêtre neuchâtelois qui a quitté le canton par dépit amoureux, pour s'engager en tant que mercenaire. « Le centre d’archives de Saint-Imier possède des lettres écrites depuis l'Inde à son ex-fiancée qui l'a éconduit pour un meilleur parti. Toutes ces lettres ont été conservées et racontent sa vie à Pondichéry.» Dans son salon, un tableau représente le pont au pied duquel cet ancêtre est enterré, mort en 1804 en se noyant accidentellement dans le fleuve Cauvery. Il était dans le régiment de Meuron, regroupant des protestants suisses au service des Hollandais et des Britanniques. Ces combattants ont participé à la bataille de Seringapatam en 1799, et 80 de ces mercenaires sort tombés pendant le siège. «Récemment je suis allé à Paris, trouver des correspondances de ma famille. Il y a eu de tels progrès d'indexation et it existe bien plus d'archives que ce que l’on pense. Plus on creuse, plus on a envie de chercher», se réjouit-il. Avis aux curieux...

Article paru dans Le Temps (Genève), 9 septembre 2024


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