Le docteur Gustave Dardel, professeur agrégé de l'Université de Berne, un maître de l'art chirurgical, publie une intéressante brochure sur la lutte contre le cancer, intitulée «Pourquoi guérit-on aussi peu de malades du cancer?» («Warum werden heute so wenig Krebspatienten geheilt?», édit. Hans Huber, Berne). Bien que ce sujet ne soit pas précisément gai, l'on ne doit pas s'imaginer que les conclusions de l'auteur doivent pousser au désespoir. Si l'on envisage dix classes d'âge, — de 40 à 50 ans ou de 50 à 60 — il semble que le nombre des décès dus à cette maladie soit en diminution. Mais la durée de la vie humaine s'allonge — de quatorze ans en un demi-siècle — de sorte que l'on meurt davantage des maux qui sont le propre de la vieillesse, comme le cancer, les maladies de cœur et le diabète.
Il s'agit ici de la maladie typique de la décrépitude, qui trouble, le fonctionnement des glandes, lesquelles ont pour objet de renouveler constamment les cellules. Ces troubles peuvent engendrer non seulement le cancer, mais aussi le goitre et la maladie de Basedow. Le cancer n'est pas héréditaire; une hérédité peut créer seulement une prédisposition à cette maladie. Il n'est pas non plus contagieux. Il surgit tout d'abord à titre d'affection purement localisée, à un endroit où des cellules de l'épithélium ont été constamment irritées. Il est ainsi procédé d'un état anormal, dénommé «précancéreux», qui cependant ne provoque pas toujours cette maladie.
Si celle-ci éclate, c'est parce que l'équilibre entre les cellules et le système nerveux a été compromis. La consommation de viande ne semble pas être une cause directe de ce mal; mais on recommande de manger davantage de légumes frais et de fruits. Les vitamines sont en effet nécessaires au fonctionnement des glandes. Cependant il ne faut pas passer à l'autre extrême au régime crudivore, un excès de vitamines pouvant avoir des effets fâcheux. La variété est le critère d'une alimentation saine.
Il faudrait reconnaître aussitôt que possible l'état précancéreux. La syphilis doit être extirpée. On ne doit s'intoxiquer (par l'alcool, la nicotine, etc.) qu'avec une sage modération. La pratique du sport, les bains d'air et de soleil favoriseront le renouvellement des cellules.
Dès que le mal apparaît, une intervention chirurgicale ou le recours à la physique (radium, etc.) s'impose. Aussi faut-il surveiller très attentivement toutes les irritations locales de la peau, et, à partir d'un certain âge, se faire ausculter périodiquement par un médecin.
C'est la Suisse qui enregistre la plus forte mortalité par le cancer. L'auteur croit devoir attribuer ce fait à l'insuffisance des moyens mis à la disposition de nos esculapes par la collectivité ou des bienfaiteurs. Nous ne possédons pas, comme la France, d'institut anticancéreux, disposant de grandes ressources. Le traitement de cette catégorie de malades devrait être concentré sur les hôpitaux universitaires. Nous devrions avoir, comme en France, une fondation destinée à faciliter les soins à domicile.
Seule, la Confédération aurait les ressources suffisantes pour entretenir un institut anticancéreux, où l'on concentrerait les recherches sur cette maladie. Il y va du bien de la santé publique, conclut l'auteur. On lira avec intérêt cet opuscule, en espérant qu'il bénéficiera d'une traduction en français, la langue maternelle de l’auteur, au demeurant.
L’Impartial, 30 août 1932
Voir aussi :
Fiche généalogique de Gustave Dardel
La chronique écrite par Gustave sur son père Frédéric