Moulin
Mise à jour
30 Oct 2018
«Les anciens moulins de Saint-Blaise et autres engins», est une étude fort intéressante que vient de publier le Dr Olivier Clottu, de Saint-Blaise (Editions du 3 février) également rédacteur en chef de «Archives héraldiques suisses». Cet ouvrage comporte 63 pages agrémentées de nombreuses illustrations et dessins. Le premier moulin de Saint-Blaise – qui s'appelait primitivement Arens – date de 1191. Nous publions ici quelques extraits de cette étude, notamment celui qui concerne un grand meunier, Dardel, homme énergique qui, en 1503, quitta le Val-de-Ruz pour prendre en main la destinée des moulins en ruines de Saint-Blaise.
Par l'intermédiaire des occupants romains, le moulin à eau s'est répandu
dans les Gaules et la Suisse. Il semble qu'à l'époque, carolingienne le
moulin à eau avait déjà tous les caractères du moulin traditionnel,
variantes régionales et quelques petits perfectionnements mis à part. Le
meunier se contentait, primitivement, de moudre le grain et livrait au
paysan la mouture brute que ce dernier tamisait chez lui pour séparer la
farine du son. Ce n'est qu'à la fin du Moyen Age que le moulin se pourvoit
d'installations de blutage.
C'est le Ruau, gros ruisseau limpide, jamais tari, qui est à l'origine de l'implantation du village de Saint-Blaise. Cest lui qui, dès le haut Moyen Age, a fait tourner les rouages du moulin. Son cours ne suit pas une pente naturelle logique; il paraît vraisemblable que ses eaux aient été détournées vers le dos rocheux où est construit le haut du village, dit anciennement Mulina, pour pourvoir les habitants en élément liquide et obtenir des chutes favorables à l'industrie. Le chemin encaissé de Creuse pourrait avoir été son lit primitif excavé par l'érosion des eaux. Saint-Blaise, appelé primitivement Arens, existait certainement depuis plusieurs siècles quand son nom apparut dans l'histoire en l'an 1011.
Les moulins de Saint-Blaise appartenaient au seigneur du pays. Les
habitants étaient astreints à y moudre leur blé et non ailleurs. Ce
monopole seigneurial s'appelle la banalité. Il était également interdit
d'acheter de la farine à toute autre personne que le meunier ou d'en
acquérir hors de la ch&tellenie. Les meuniers jouissaient donc d'une
situation privilégiée. Ils étaient considérés et s'enrichissaient souvent.
Claude d'Arberg, seigneur de Valengin, accense en 1503 à Jean Dardel de Villiers, tout le cours du Seyon depuis Villiers jusqu'à Dombresson. Cette concession est remise à Paillard-dit-Monnier de Dombresson en 1512. Jean Dardel a quitté le Val-de-Ruz pour reprendre les moulins de Saint-Blaise, qui avaient grand besoin d'un homme énergique pour être relevés, car ils étaient en ruines. Donc Jean Dardel, grâce à cet accensement signé par le gouverneur du comté Louis de Diesbach, bailli pour les quatre villes de Berne, Lucerne, Fribourg et Soleure, reçoit en propriété personnelle, perpétuelle et transmissible, les moulins et rebatte, leurs installations et cours d'eau. Cette cession inhabituelle est probablement due aux travaux considérables déjà effectués par le bénéficiaire. Jean Dardel peut et doit les améliorer, aménager et agrandir; il est autorisé à prendre du bois, à cet effet, dans les forêts seigneuriales. Fort de cette concession, Jean Dardel attaque, dix ans plus tard, Jean Petitjaquet qui venait de reconstruire foule et rebatte, ce qui portera préjudice à ses moulins. Il obtient des Ambassadeurs des Cantons suisses, le 2 juin 1523, qu'il soit interdit à Petitjaquet de battre et fouler pour les monnants (clientèle obligée des meuniers) de Dardel.
En l'espace d'un peu plus de dix ans, Jean Dardel a réussi, grâce à son travail, à sa persévérance et à son habileté, à constituer son empire meunier à Saint-Blaise. Des circonstances favorables l'ont servi. Les Cantons suisses occupèrent le Comté de Neuchâtel de 1512 à 1529 et le firent gouverner par des baillis, bons administrateurs. Ceux-ci, afin d'augmenter les revenus du comté jugés insuffisants, firent contre espèces sonnantes et censés de nombreuses concessions prises au domaine seigneurial, comme les moulins et cours d'eau. Durant près de quatre siècles, les usines de Jean Dardel ont fait la prospérité du village de Saint-Blaise dont elles constituaient la seule industrie.
Jean Dardel a vu le jour, à Villiers, vers 1470. Il arrive à Saint-Blaise accompagné de quatre fils dont trois devinrent meuniers. L'aîné, Huguenin, meunier à Neuchâtel, fut reçu bourgeois de cette ville en 1520. Il est l'aïeul d'une famille encore représentée en France. Nicolet, le cadet, se fixe à Marin (une partie de sa descendance est revenue à Saint-Blaise: c'est la famille du dernier lieutenant civil de Thielle Daniel Dardel et de la branche anoblie en Suède*). Les frères Jean et Blaise sont meuniers à Saint-Blaise; le second a une nombreuse postérité (Dardel-dit-Munier, Dardel du Maley).
Reçu bourgeois de Neuchâtel en 1522, Jean Dardel reconnaît encore ses biens
en 1533. Depuis cette date, il n'est plus cité.
Voir le texte de la concession des moulins en 1513.
Voir aussi les images des moulins de Saint-Blaise.