Le fondateur
Friedrich von Martini, né en 1833 à Herkulesbad (aujourd'hui Băile Herculane) au Banat, alors province de l'empire austro-hongrois, faisant actuellement partie de la Roumanie, était ingénieur, industriel et inventeur. Il n'est pas lui-même un descendant Dardel, mais ses deux filles Léonore et Marie-Louise ont épousé deux frères Dardel : Charles et Maurice (voir généalogie).Il commence ses études à Vienne en 1850, puis au Polytechnikum de Karlsruhe entre 1854 et 1857. Il est d'abord employé à la Maschinenbauanstalt de Karlsruhe, puis rejoint Sulzer à Winterthur en Suisse en 1860. En 1861, il est employé à la Maschinenbauanstalt de Frauenfeld (Thurgovie) dont il devient associé en 1863, et la firme prend alors le nom de Martini & Tanner. Martini dépose plusieurs brevets, dont une machine à broder, et surtout en 1868 un fusil à chargement par la culasse, qui aura une certaine notoriété sous le nom de fusil Martini-Henry et qui équipera l'armée britannique jusque vers 1900, notamment pendant la guerre des Boers en Afrique du Sud.
En 1870, Martini commence la production de moteurs thermiques, qui plus tard seront le point de départ des automobiles. En 1879, la société change encore une fois de nom et devient F. Martini & Co. En 1883, elle présente pour l'exposition nationale suisse une plieuse pour papier.
Fusil Martini-Henry
En octobre 1903, le capitaine britannique Deasy entreprit de monter de Caux aux Rochers-de-Naye, au-dessus de Montreux, avec une Martini 14 CV sur le ballast du train à crémaillère, un projet audacieux sur environ 18 km avec une pente allant jusqu'à 23 %. Il y avait cinq personnes à bord de l'auto, dont Max de Martini — lequel participait souvent par ailleurs à des courses de vitesse. Une belle publicité pour la firme, qui fit l'objet d'un film de 10 minutes, chose rarissime à l'époque. Voir des photos d'époque dans l'iconographie plus bas. Le même Deasy fait avec succès l'année suivante une course d'endurance de 3200 km dans les Alpes avec une Martini 16 CV, qui doit franchir 34 cols en Suisse, en France et en Italie. En été 1906, il sera moins heureux en lançant un défi à Rolls-Royce avec une Martini 20 CV à quatre cylindres, qu'il perdra contre la Rolls qui en avait six.
L'usine fabrique aussi des utilitaires. Le village de Zollikon près de Zürich s'équipe dès 1903 en autobus Martini. En 1906, l'entreprise passe dans des mains anglaises, devient Martini Automobile Co., Ltd., mais elle est rachetée par les Suisses dès 1908 sous le nom de "Société nouvelle des automobiles Martini, usine nationale". On ne produisait pas que pour le marché suisse, trop étroit : les voitures étaient exportées en France, en Angleterre, en Russie, et jusqu'en Amérique du Nord et du Sud, en Nouvelle-Zélande et en Égypte. La firme participa à plusieurs courses dans les années 1907-1910.
Selon Uschi Kettermann (Automobilland Schweiz), il y avait en 1913 environ 5200 automobiles en circulation en Suisse, dont 1629 de fabrication helvétique, parmi lesquelles 530 Martini. La même année, la Suisse exporta 842 voitures et en importa 966. L'industrie automobille se portait donc bien.
Malgré de bonnes ventes en 1910, Martini se retrouve dans le rouge en raison du coût élevé de la production entièrement manuelle. Adolf et Max von Martini quittent l'entreprise. En 1914, on réduit la gamme à trois modèles de voiture plus deux camions et un petit autocar. Curieusement, la situation s'améliore pendant la guerre et Martini produit près de 350 véhicules en 1917, la plus forte production de son histoire. À partir de 1919, cependant, l'entreprise fait à nouveau face à des difficultés financières dues à la concurrence des gros producteurs Fiat, Ford, Renault et Citroën qui fabriquent à la chaîne à des coûts bien inférieurs. Jusqu'en 1925, martini garda la tête hors de l'eau avec le modèle unique TF, qui n'était qu'une légère modification de la Martini à quatre cylindres 18/24 CV de 1913, mais qui coûtait 17'000 francs suisses en châssis nu, alors que la concurrence offrait des voitures complètement carossées à six cylindres pour 14'000 Fr. Les châssis étaient donc confiés à des carrossiers qui terminaient la voiture au goût du client.
En 1926, Walther et Robert Steiger, fondateurs de la firme allemande Steiger Automobilbau Burgrieden, qui produisait des voitures de qualité depuis 1920, deviennent actionnaires majoritaires lors de la liquidation de la société souabe. Walther prend la direction technique et continue chez Martini la construction de voitures Steiger pour l'Allemagne. La même année, on présente au salon de Genève le nouveau modèle Martini Six, avec un moteur de 3,1 L de 70 chevaux réels, des freins assistés sur les quatre roues et une vitesse de pointe de 100 km/h. En 1927, les nouveaux modèles FUG et FUS sortent avec des moteurs de 4,4 L et une puissance de 90 et 100 chevaux, présentés avec de nombreuses variantes de carrosserie et atteignant 130 km/h. Le même moteur sert pour une petite série de camions, d'ambulances, d'autocars et de taxis.
On renoue alors avec la compétition, et Martini fait un triomphe en remportant en 1929 la course de montagne du Klausen, raflant les quatre premières places dans chacune des deux catégories.
Le dernier modèle, produit jusqu'à la liquidation de la firme en 1934, était la Martini NF, une limousine de luxe au moteur de 95 chevaux, quatre vitesses toutes synchronisées, freins Lockheed et amortisseurs hydrauliques, qui malgré sa qualité et sa modernité ne put empêcher la faillite de la société Martini.
La production totale des voitures Martini entre 1903 et 1934 s'élève à environ 3500 véhicules, chiffre modeste si l'on considère que Renault produisit 4200 autos dans la seule année 1912. Seules 19 de ces voitures semblent avoir été conservées (en 2019).
Voir aussi l'histoire de la firme Martini présentée par Jean-Pierre Graf, le petit-fils de Samuel Graf qui fut l'un des directeurs de Martini. Plusieurs des images de cette page proviennent de ses archives.
Iconographie
Cliquer pour agrandir. Certaines photos d'époque ne sont pas très bonnes.Sources